LA GOUTTE OU HYPERURICÉMIE
La goutte se définit comme une affection métabolique dont l'hyperuricémie, ou plutôt l'augmentation considérable de la concentration totale d'acide urique de l'organisme, est le trouble fondamental. L'hyperuricémie est le plus souvent héréditaire et familiale. Ce trouble aboutit à des précipitations d'acide urique dans les tissus, les articulations (crises aiguës caractéristiques), dans le tissu conjonctif sous-cutané, dans les reins et les voies excrétrices (lithiases ou calculs).
Contrairement à ce que pourrait faire penser cette définition, l'hyperuricémie n'est pas le signe de certitude de la goutte : d'une part, elle peut manquer chez de rares goutteux, d'autre part, de nombreux sujets hyperuricémiques ne deviennent jamais goutteux.
En fait, le diagnostic repose sur un faisceau d'arguments cliniques qui permettent facilement et rapidement le diagnostic dans la majorité des cas : crises aiguës typiques répétées, touchant électivement une articulation du pied ou de la cheville ou du genou ou du poignet ; crises entièrement régressives, ne laissant aucune séquelle et calmées spécifiquement par la colchicine et un anti-inflammatoire.
Rappelons enfin que la goutte touche surtout l'homme à partir de 35 ans dans 90 % à 95 % des cas.
Ce faisceau d'arguments, ajouté à l'hyperuricémie, constitue une quasi-certitude.
L'ACCÈS DE GOUTTE AIGU :
Il débute très brusquement, souvent le soir ou la nuit et touche typiquement l'articulation métatarso-phalangienne du gros orteil. Il peut aussi bien siéger sur la médio-tarsienne, la tibio-tarsienne, le genou, le poignet, la main. La douleur locale devient atroce (c'est la plus douloureuse de toutes les arthropathies aiguës) et irradie assez loin le long de la jambe. La température monte souvent à 38°, quelquefois à 39/40°.
À l'examen, le gros orteil est rouge, violacé, luisant, légèrement œdématié, très douloureux à la pression (signes maximaux au 2ème jour).
L'évolution est caractéristique : la douleur s'atténue un peu le matin et dans la journée ; mais une nouvelle crise survient la nuit suivante et ainsi de suite pendant 4 à 8 jours, suivant une intensité décroissante. Certaines crises peuvent se prolonger un mois ou plus.
Fait capital, l'accès aigu ne laisse aucune séquelle, mais se reproduit avec une fréquence variable d'un sujet à l'autre. Tel patient fera 4 ou 5 accès sa vie durant, tel autre aura plusieurs accès par an. Au fil des ans, les attaques diminuent en intensité, mais finissent par toucher plusieurs jointures et sont plus prolongées, finissant par laisser des séquelles : ainsi le malade s'achemine-t-il vers la goutte chronique.
LA GOUTTE CHRONIQUE :
Elle succède à plusieurs années de goutte aiguë, dont les accès finissent par s'enchaîner créant une polyarthrite chronique qui peut ressembler beaucoup à une polyarthrite rhumatoïde (PR). La différence essentielle et presque toujours visible entre la goutte chronique et la PR est le tophus : c'est une concrétion d'acide urique visible et palpable en forme de tête d'épingle sous les téguments du pavillon de l'oreille, du tendon d'Achille, des doigts ou des orteils. En cas de doute, on en fait la biopsie.
La lithiase urinaire (calculs rénaux) et, parfois indépendamment d'elle, la néphrite chronique et l'hypertension artérielle menacent le goutteux chronique.
Sur le plan biologique :
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l’hyperuricémie, test biologique essentiel, atteint 70 à 130mg/litre (valeur normale : 60mg/litre). L'acide urique dans les urines de 24 heures doit également être dosé à plusieurs reprises, car s'il est élevé, un traitement inhibiteur de la synthèse de l'acide urique sera indiqué.
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La vitesse de sédimentation (VS) est souvent très accélérée au cours de l'accès et même parfois fortement jusqu'à 100mm dès la première heure.
LE TRAITEMENT MÉDICAMENTEUX DE LA GOUTTE :
Tout d'abord, quelques idées reçues sur la goutte à combattre :
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Croire que la goutte est un diagnostic impossible chez la femme. L'aphorisme d'Hippocrate dit : « la goutte ne touche ni la femme réglée, ni l'enfant, ni l'eunuque ». Mais la goutte est encore possible après la ménopause.
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Croire que tous les goutteux sont des ventripotents, chasseurs, buveurs, râleurs et grossiers : certes, beaucoup sont pléthoriques, voire obèses, mais il existe de nombreux goutteux qui ne l'ont pas mérité.
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Traiter l'accès de goutte par la cortisone ou, pire encore, la goutte chronique par la corticothérapie. La goutte cortisonée est très grave, beaucoup plus que la goutte naturelle.
Le traitement classique de la crise de goutte est LA COLCHICINE : alcaloïde extrait du bulbe de la colchique d'automne. La posologie est de 3 comprimés le 1er jour, 2 le second jour et 1 les jours suivants pendant 10 jours. Le traitement ne devra pas excéder un mois en raison du risque de diarrhées très sévères suivies de déshydratation. Le danger réside surtout chez les personnes âgées. Parfois on peut utiliser des anti-inflammatoires non stéroïdiens, dérivés de l'aspirine, pendant quelques jours avec une protection de la muqueuse gastrique indispensable.
Le traitement de fond de la goutte par un médicament qui élimine l'acide urique ou qui empêche sa synthèse, s'impose lorsqu'il y a plus de 3 crises par an ou lorsque la goutte tend à devenir chronique.
Le traitement de fond utilisé aujourd'hui pour faire baisser l'uricémie en-dessous de 60mg/l estl'allopurinol (3 dosages différents : 100 mg, 200 mg, 300 mg). Ce traitement est instauré pendant une durée très longue, mais au tout début, il peut y avoir une petite crise aiguë de goutte due à un phénomène physiologique et biologique. C'est pourquoi, il est toujours souhaitable d'associer avec l'allopurinol, pendant quelques semaines, de la colchicine à raison de 1 comprimé par jour pour prévenir ces crises.
Le régime pauvre en purines et protéines s'impose, ainsi que la consommation d'eau bicarbonatée pour éviter la lithiase urique et pour alcaliniser les urines (Vichy, Badoit, Vals, Perrier, St Yorre…).
ALIMENTS À ÉVITER EN CAS D'HYPERURICÉMIE (liste non exhaustive) :
Gibier – Viande faisandée – Cervelle – Langue – Tripes – Abats – Rognons – Ris de veau – Oseille – Épinards – Anchois – Maquereaux – Sardines – Lentilles – Vin blanc et donc Champagne...